18 janvier 2012
Le Sénat vote l’extension de la neutralité religieuse pour les « nounous » à domicile
Devant une assemblée clairsemée, la proposition de loi de Françoise Laborde (Parti radical de gauche) et du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), visant à étendre l’obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance (hors établissements confessionnels) et aux assistants maternels a été adoptée, mardi 17 janvier dans la soirée. L’article 3 de ce texte prévoit : « à défaut de stipulation contraire inscrite dans le contrat qui le lie au particulier employeur, l'assistant maternel est soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse dans le cours de son activité d'accueil d'enfants ».
Ce texte, discuté en première lecture en décembre, était soutenu par les socialistes. Les sénateurs communistes se sont abstenus, le groupe Europe-Ecologie-Les Verts (EELV) a voté contre. S’appuyant sur la jurisprudence « Babyloup » qui permet aux structures privées de restreindre la liberté d'expression religieuse des salariés par le biais du règlement intérieur, la droite a renoncé à légiférer sur ce sujet et le texte ne devrait pas emporter l’adhésion de l’Assemblée nationale.
Lors de la discussion générale de décembre, Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales, avait ainsi justifié le rejet de ce texte par le gouvernement : « En souhaitant étendre au secteur privé un des grands principes fondateurs du service public, les auteurs de la proposition de loi bousculent les grands équilibres établis depuis plus de cent ans autour du principe de laïcité. Le simple fait que des employés manifestent, à titre personnel, une croyance religieuse ne met pas en danger la santé ou l’équilibre psychologique des enfants. Vous l’admettez vous-mêmes, puisque les crèches confessionnelles ne sont pas concernées. Le gouvernement estime que ces initiatives sont inopportunes au regard de notre cohésion sociale et nationale. Le texte va trop loin ; il sèmera la confusion et sera source de contentieux ; il renverra chacun chez soi, en encourageant un communautarisme qui vraiment n’a rien de républicain ».
Dénonçant « une intrusion de l’Etat dans la sphère privée », Esther Benbassa, sénatrice d’EELV s’est interrogée, mardi, sur la manière dont serait définie l’expression religieuse au domicile d’une assistante maternelle : « Une représentation de La Mecque ? Une reproduction d’une annonciation de Fra Angelico ou d’un “Judith et Holopherne” ? Une manière de préparer le repas ? »
Mères voilées ou Témoins de Jéhovah?
Le rapporteur socialiste, Alain Richard, a assuré que ce texte instituait "une règle d'information ; il ne crée aucune sorte de limitation". "Ce texte ferait obstacle à l'emploi de femmes voilées ?", s'est interrogé M.Richard. "Au contraire ! Si l'assistante maternelle est voilée, les parents seront tout de suite informés de ses croyances. Il n'y a donc aucun problème. Si des parents ne souhaitent pas que leur enfant soit élevé dans une certaine atmosphère religieuse, ils ont le droit d'être informés. Je vous renvoie à l'exemple des Témoins de Jéhovah : leur appartenance religieuse ne se voit pas immédiatement". Le président socialiste de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur a lui salué un "texte de liberté", soulignant que la nounou pouvait être religieuse mais qu’il fallait qu’elle le soit dans « la transparence ».
Pour le collectif Mamans toutes égales qui défend les femmes musulmanes voilées, ce texte est « une loi d’exclusion insupportable. La gauche va donc plus loin que l’UMP et le Front national sur l’exclusion de ces citoyennes de la loi commune ».
Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a, de son côté, dénoncé "une violation du droit à la vie privée", estimant que ce texte introduit "une modification majeure dans l'un des fondements de la République, qu'est le principe de laïcité". Le CFCM "souligne la gravité de la situation créée par cette proposition de loi qui risque à la veille de rendez-vous électoraux importants pour l'avenir de notre pays de susciter trouble et interrogations qui ne peuvent être que préjudiciables".
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